Mercredi 24 janvier, en début d’après-midi, je me rends au « Alfie Norville Gem & Minéral Muséum », le musée de minéralogie de la ville de Tucson. Anciennement installé sur le campus de l'Université d'Arizona, ce musée se trouve depuis 2021 au sein du palais de justice historique du comté de Pima, en plein centre-ville.
À l’entrée du bâtiment à l’architecture coloniale, une vitrine dédiée aux bienfaiteurs est installée. Le couple Norville y est mis à l’honneur : ils sont à l’origine de la création de la Bourse des gemmes et des bijoux (GJX), un événement du Gem Show qui a contribué à son rayonnement international. Allan Norville a réalisé une importante donation au musée en l’honneur de sa femme, Alfie.
La visite débute par la « Mineral Evolution Gallery », une galerie qui retrace l'histoire et l'évolution de la structure de la Terre. Organisée autour de six vitrines, chacune composée de trois étagères, cette pièce présente une sélection de minéraux, de pierres et de fossiles disposés selon leur apparition chronologique. Chaque spécimen est accompagné d'une plaquette informative détaillant son identité, sa provenance, ainsi que les détails de son acquisition par le musée. L’éclairage des vitrines met en valeur les échantillons exposés. La pièce est calme et lumineuse, et la visite s’accompagne d'une musique basique, composée de l’alternance de trois notes. Divers supports visuels, tels que des photos et des vidéos, complètent l’exposition. Ils illustrent des moments jugés glorieux comme, par exemple, des missions spatiales américaines lors desquelles ont été collectés des échantillons lunaires ou des images de Mars.
Avant d’entrer dans la seconde partie du musée, une collection de 14 peintures à l’huile intitulée « Capturing the essence of Mining » est exposée sur la gauche. Les tableaux, peints par Phelps Dodge, datent des années 1920. D’un style réaliste, ces tableaux illustrent une variété de scènes représentant l’univers minier. L'une des œuvres dépeint un mineur dans une galerie poussant un chariot, le dos courbé et les jambes fléchies, accentuant les efforts physiques que requiert ce travail. Les couleurs sombres utilisées pour refléter l'obscurité des mines contrastent avec le halo de lumière créé par la lampe de mineur suspendu au chariot, au centre du tableau. Les portraits répètent la même représentation naturaliste de mineurs accoutrés d’une tenue de travail traditionnelle de l'époque (chapeau de cowboy, chemise à manche longue, blue-jeans), accompagnés de leur équipement minier (lampe de mineur, seau, caisse à outils). Debout, le buste droit et les épaules imposantes, vêtus de chemise déchirée et les manches retroussées, ils sont représentés en mouvement. D’autres scènes de vie montrent des paysages miniers, ainsi que des troupeaux de vaches transportant des charges de minerai.
Cette collection de peinture introduit le visiteur à un nouveau moment du récit muséal, davantage centré sur l’industrie minière. En entrant dans la deuxième galerie baptisée « Arizona Gallery », le contraste lumineux est saisissant : la pièce est plongée dans une semi-obscurité. Dans le coin droit de la pièce, l'ambiance d'une mine est recréée par un mur en fausse roche, orné de minéraux et de bougies, ainsi que la photo grandeur nature d'un mineur encadrée dans une structure en bois typique des galeries souterraines. Cette mise en scène présente les outils nécessaires à l'exploitation minière (accompagnés d'explications sur leur utilisation), ainsi que des schémas illustrant l'organisation d’une mine. Une vitrine est plus particulièrement consacrée à la ville de Bisbee, située au sud-est de de l’Arizona, longtemps l’un des hauts lieux de l’industrie minière dans cet État
Cette partie du musée montre à quel point l’industrie minière constitue un élément fondamental de l’histoire économique et culturelle de l’Arizona – célèbre pour ses mines d'argent, d’or et de cuivre, dont la teinte orangée est reconnaissable sur l’étoile au centre du drapeau de l’Etat. Aujourd’hui encore, l’Arizona demeure le principal producteur de cuivre aux Etats-Unis et ses mines font partie des gisements les plus productifs (et exploités) au monde.
Sur le parcours, un tableau représentant deux mineurs à l’ouvrage au sein d’une mine attire mon attention. Il est accompagné d’une citation de Paul Harter, le petit fils d’un ingénieur minier: « les spécimens minéraux constituent le plus grand art de la nature, préservés pour que tous puissent en profiter grâce aux efforts de générations de mineurs. ». Ces mots célèbrent la figure du mineur et mobilisent le registre de l’émerveillement esthétique pour qualifier les minéraux, minorant la dimension extractiviste, le coût écologique et les intérêts économiques de l’industrie minière. S'ensuit l’exposition de plusieurs dizaines de cristaux de diverses couleurs, originales et chatoyantes, tous issus de mines de cuivre au Sud de l’Arizona et au Mexique.
Plus loin dans la galerie, un espace est consacré au rockhounding, soit la « traque des pierres ». Le texte explicatif présente cette activité comme étant accessible, tout en facilitant des sociabilités particulièrement agréables [social activity]. Au milieu de photographies et vidéos de groupes d’amis partant à la recherche de minéraux, des équipements sont exposés : le livre « Minerais, Fossiles et Fluorescents d'Arizona - Un Guide de Terrain pour les Collectionneurs » de Neil R. Bearce, un marteau, un tournevis, un sac à dos, ainsi qu’un rouleau de papier toilette. La vitrine adjacente est quant à elle dédiée aux clubs de rockhounding de l'Arizona, mettant en avant des associations telles que le Tucson Gem & Mineral Society (TGMS) fondé en 1946 et le Mineralogical Society of Arizona (MSA) fondé en 1935. Des étagères présentent une sélection de bijoux et de minéraux. En regardant de plus près, il est possible d’apercevoir deux affiches du Gem Show, en bas de la vitrine : l'une d'elles est datée de 2020, tandis que l'année de l'autre n'est pas précisée.
La section qui suit débute par des illustrations qui décrivent l'importance du minerai dans la vie quotidienne des sociétés industrialisées. S’ensuivent des échantillons de roches et des fragments d'équipements mécaniques, accompagnés de photographies de mines prises depuis des satellites. Quelques textes mettent en avant des initiatives prises afin de limiter l’impact écologique de l’extractivisme. L’exploitation minière à ciel ouvert ainsi que l’utilisation d'engins mécaniques modernes sont présentés comme des solutions permettant de réduire l'impact environnemental de l’activité tout en garantissant la sécurité des équipes de travail. L’exposition souligne d’ailleurs l’implication de l'Université d'Arizona dans le développement de programmes de communication souterraine pour garantir la santé des travailleurs. Cet engagement est illustré par une photographie de mineurs au côté de membres de l'institution, tous en équipements de protection. Enfin, le musée valorise la végétalisation d’anciennes mines, dans lesquelles sont installés des panneaux solaires et des pâturages. L’exposition reste muette quant à la sévérité des dommages écologiques et préfère mettre en avant les avancées technologiques et les initiatives adoptées pour « verdir » l’industrie.
La visite de cette seconde galerie s’achève avec l'espace « Interactive Crystal Lab et Fluorescent Hallway », qui offre une série d'activités ludiques. Bien que certains des outils numériques soient hors service à ce moment-là, il est possible de manipuler des cristaux polis, tester la force magnétique des minéraux grâce à un aimant, ou scanner des objets du quotidien pour identifier leur composition. Les murs sont couverts de schémas décrivant la composition des panneaux solaires ainsi que les multiples utilisations de la calcite, du quartz et du cuivre. Un couloir sombre, où sont exposées des pierres fluorescentes qui produisent un certain effet, dirige les visiteurs vers le troisième et dernier espace : la « Gem Gallery », littéralement « la galerie des pierres précieuses ». Dans cette ultime salle, quelques éléments scientifiques présentent la formation des cristaux dans les mines : le visiteur est invité à découvrir certaines caractéristiques des cristaux, telles que leur degré de transparence et de réfraction lorsqu'ils sont exposés à la lumière. Mais c'est avant tout la dimension esthétique des gemmes qui est mise en avant. Une vitrine est également dédiée à la présentation de l’évolution des outils et des techniques utilisées pour la mise en valeur des pierres précieuses. Une pièce intitulée « Treasury » renferme même une collection de bijoux précieux. Cette salle plonge le visiteur dans l'univers raffiné de la haute joaillerie. Le sol est revêtu de moquette et le plafond, sculpté en forme de triangle évoquant l'esthétique d'un diamant, diffuse une lumière blanche éclatante. Plusieurs sculptures et ornements attirent l'œil, comme une calèche faite d’or et de platine, une sculpture de Poséidon d’un bleu éclatant constitué de quartz et d’aquamarine ou une sculpture nommée « The Imperial Flame » composée de topaze impériale qui provient d'Ouro Preto au Brésil.
À la fin du parcours, un livre d’or est mis à disposition, sur lequel les visiteurs et visiteuses inscrivent la date de leur venue au musée et la ville où ils et elles habitent, accompagné d’un petit commentaire. La plupart des mots laissés montrent l’enchantement des personnes après leur visite : « Amazing show ! », « My eyes hurt ! », « Nice to dream », « Out of this world ! ».