19-22 août 2018
Les modèles mathématiques sur lesquels sont basés les projections du changement climatique, l’estimation des risques, les stratégies de réduction d’émission, et la négociation internationale ont longtemps ignoré la biologie. Dans sa thèse, Elsa Abs développe une nouvelle génération de modèles du cycle de carbone global (au cœur du changement climatique) qui intègrent explicitement le microbiome de la terre. Que ce soient des forêts tropicales ou des tourbières de l’Antarctique, les microbes du sol réagissent au réchauffement en respirant plus, ou moins, de CO2 – et ceci peut avoir d’importants effets sur le climat. Co-encadrée par le directeur de l’UMI Régis Ferrière et le professeur Scott Saleka de l’Université d’Arizona, Elsa Abs (en photo) a étudié le sujet.
Ce qui rend le travail d’Elsa Abs particulièrement innovant, c’est la prise en compte de la capacité des populations microbiennes à évoluer, au sens Darwinien du terme, et à s’adapter en « temps réel » au changement climatique. L’adaptation évolutive peut aggraver, amortir, ou même renverser les changements de respiration microbien prédits par des modèles plus simples, sans évolution. Autre aspect fascinant du problème : l’évolution des microorganismes affecte les interactions de coopération qui existent entre eux, qui reposent sur une production individuelle de composés chimiques (enzymes de décomposition) dont l’action collective aboutit à la décomposition de grandes quantités de matière organique. Les modèles prédisent l’évolution d’une plus forte coopération des microorganismes en réponse au réchauffement. C’est une mauvaise nouvelle pour nous car une coopération microbienne plus intense signifie plus de respiration, et donc en fin de compte un plus grand flux de CO2 renvoyé vers l’atmosphère.
Elsa Abs a présenté ses résultats à Evolution 2018 qui s’est tenu à Montpellier du 19 au 23 août, rassemblant plus de 3200 participants. C’était l’occasion pour Abs de côtoyer des chercheurs et des étudiants venant du monde entier. A Tucson, elle achève sa thèse doctorale qui sera soutenue en janvier 2019. En termes de stratégie scientifique, le projet d’Abs est important pour l’UMI. Il établit un lien théorique important dans le tissu de collaborations que l’UMI entretient entre l’Université d’Arizona, notamment Biopshere 2, et l'Ecotron CNRS-ENS. Le projet établit aussi un pont nouveau entre l’UMI à la Ecosystem Genomics Initiative de l’UA – une initiative inter-départements, inter-facultés dirigée par Scott Saleska. Les prochaines avancées pourront alimenter le programme émergeant interdisciplinaire du CNRS, Planète A, sur les objectifs de durabilité en réponse au changement climatique.